Sport, culture, santé ?
Bloc-notes

17 décembre 2020 : l’Unesco inscrit le Taichi Chuan (Taiji Quan) sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Sport

En France, c’est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui a reconnu le Taichi Chuan et le Qi Gong en déléguant son autorité à la Fédération Française de Wushu. Nous voyons apparaître des championnats de Taichi chuan et nous aurons probablement droit, d’ici peu, aux ceintures de couleur et aux "duan" comme dans les arts martiaux de compétition. Le sport est difficilement dissociable d’une mentalité orientée vers la performance car elle génère l’intérêt d’un public donc la possibilité d’un message publicitaire et ainsi des retombées économiques de « partenaires ».

Ces considérations mises à part, le Taichi Chuan et le Qi Gong ont toutes les qualités requises pour être un sport. Une dépense physique modérée mais bien réelle, une meilleure représentation du schéma corporel statique et en mouvement, une stimulation des systèmes respiratoire, musculo-articulaire, circulatoire, nerveux, lymphatique et l’inestimable lien social du travail en groupe.

Aux antipodes du dépassement de soi que représente habituellement le sport de compétition, le Taichi Chuan et le Qi Gong sont des techniques aux ambitions bien modestes : faire de nous, ce que nous sommes.

Culture

C’est, à mon avis, une dimension très importante et en même temps la plus négligée du Taichi Chuan et du Qi Gong. Ces disciplines nous plongent dans une culture assez différente de la notre. Loin des liens possibles que l’on retrouve dans les traditions Indo-Européennes, la Chine a développé une écriture originale qui a généré une autre perception de la vie. Elle n’est ni pire ni meilleure que celle que nous connaissons, elle est juste différente. C’est cette différence qui est intéressante car elle nous permet, par contraste, de révéler les plis de nos modes de pensée.

Le Taichi Chuan et le Qi Gong sont des philosophies vivantes et actives. Nous avons tendance à croire que la culture se construit en position assise et que les oreilles et les yeux sont les seuls vecteurs capables de métaboliser de la connaissance. Or, que ce soit en Orient ou en Occident, les traditions philosophiques antiques avaient compris qu’un enseignement efficace nécessitait de mobiliser la totalité de l’être, une pensée intraduisible en action étant considérée comme stérile.

Santé

On comprendra aisément que c’est le versant du Tai chi Chuan et du Qi Gong le plus exploité par les médias et par les enseignants à tendance "gourou" qui diffusent par psittacisme (en répétant comme des perroquets) les théories de l’énergétique chinoise. S’il est évident que ces techniques ont un lien avec la (sub)conscience et tout ce qui en découle, il est tout aussi évident que l’on assiste à une sorte de dérive intellectuelle qui vulgarise à outrance une perception originale, poétique, intuitive, préventive, subjective et responsable de la santé. Il faut souhaiter que ce courant ne débouchera pas sur une énorme déception, les résultats n’étant pas toujours à la hauteur de certains fantasmes mais directement lié à la sincérité et à la régularité de la pratique.

Quid ?

Pratiquer le Taichi Chuan ou le Qi Gong c’est tout simplement se prendre en main. C’est pratiquer un sport sans se faire violence. C’est cultiver son sens du discernement et développer sa capacité à observer. C’est traquer la tension excessive qui empêche certains échanges fonctionnels engendrant ainsi des déséquilibres par manque de communication. C’est stimuler dans un même temps l’ensemble des souffles qui nous animent. C’est cotoyer une autre culture en faisant un acte d’immersion nécessaire à la synthèse de nouvelles représentations et au développement d’une nouvelle imagination. C’est réapprendre le silence et se découvrir dans la richesse d’un geste lent et précis. C’est aussi, pour beaucoup d’entre nous, l’occasion rare de se préparer à la méditation.

Philippe Thiriot