Si nos sens nous permettent un accès subjectif au monde, leurs saturations brouillent les messages en provenance de nos états internes ainsi que les informations nous parvenant de l’extérieur. Vient alors le temps où une propagande sans faille nous impose de nouveaux outils de perception. Voici venu le règne de l’objectif et de l’artificiel, intelligence comprise [1]. Les sens, et l’attention nécessaire à leurs développements harmonieux, sont éduqués et habitués à des rythmes et à des intensités qui ont rarement le temps de s’adapter en permanence sur une période de vie de plus de 60 ans [2]. Il y a un différentiel flagrant entre les lentes transformations psycho-biologiques et les sauts voire les bonds technologiques. Nous sommes submergés par un bruit quasi incessant si bien que le silence en devient dérangeant. Les images qui zappent en permanence font de la lenteur un élément insupportable. Les saveurs se standardisent et se résument à trop sucrées, trop salées (tout le reste en devient fade). Le toucher s’estompe peu à peu et s’habitue aux surfaces froides vitrifiées. Quant aux senteurs, le béton, le goudron et le PVC nous aseptisent au point de nous dégouter de l’odeur des vaches [3] chacun se promenant dans sa sphère parfumée et griffée. Meuuuuuh non ! Je constate année après année que la pratique d’une activité dans le silence, la lenteur et la répétition fait office d’électrochoc pour certaines personnes et demander d’éteindre un téléphone portable pendant les cours de Taichi Chuan ou de Qi Gong relève de plus en plus souvent de la curiosité anthropologique. Lorsque j’ai commencé à enseigner, ce que l’on apprenait en deux années n’est plus possible en trois aujourd’hui [4]. L’indisponibilité est la caractéristique de notre société. Les sens et l’attention sont kidnappés, indisponibles, surchargés, saturés. Trop sollicités, ils sont devenus insensibles [5] ! Ça faisait bien longtemps que je lisais ça dans le Lao Zi, mais je ne comprenais pas vraiment. Voilà, j’ai compris [6]. Dans ces conditions, comment pratiquer une activité qui a un lien évident avec notre sensibilité et notre disponibilité si ces caractéristiques humaines tendent à s’atrophier ? On peut même pousser le raisonnement un peu plus loin en se demandant s’il n’est pas préjudiciable de développer une sensibilité alors que dans une société quantifiée à l’extrême, l’émotion délicate générée par des sens affutés pourrait constituer une source accrue de stress par contraste avec les intensités imposées du quotidien. Parfois, le doute m’assaille [7]. Bon sens ! Mais c’est bien sûr ! Philippe Thiriot
[1] Aujourd’hui, une vérité doit être "objective". Toute subjectivité est mise à l’index au profit d’une interprétation algorythmique qualifiée de rationnelle, juste et unique. Cette perception, martelée à tout bout de champ, finira par faire douter de nos capacités à évaluer et décider par nous-mêmes. Il s’agit d’un déni d’humanité par l’abolition de la diversité. [2] Le cycle de 60 ans représente un "tour de roue" pour le calendrier chinois. C’est le résultat de la combinaison d’un cycle en base 10 et d’un autre en base 12. La 60ème année est considérée comme un nouveau printemps avec l’expérience comme bagage. [3] Je parle ici de vaches "normales" et non pas des usines sur pattes, qui ressemblent à des vaches et qui sont le produit d’agro-techniciens. [4] Ce constat s’étale sur une période d’environ 30 ans, de 1990 à 2020. Durant ce laps de temps, et par ordre d’apparition à l’écran je vous présente : la photo numérique (1990) et le World Wide Web (Tim Berners-Lee 1990), le format MP3 (1993), le 1er smartphone d’IBM (1995) et le lancement d’Amazon (Cadabra à l’époque), le DVD (1995), Google (1998), Wikipédia (2001), Skype (2003), Facebook (2004), Youtube (2005), Twitter et Youporn (2006), 1er iPhone d’Apple et Kindle (2007), AirBnB (2008), Uber et WhatsApp (2009), Instagram (2010), le Cloud et Snapchat (2011), Tinder et TV numérique (2012), AlphaGo (2016) ... Ouf ! Ceci expliquant peut-être cela. [5] Pour se sentir vivre il faut maintenant sauter à l’élastique ou en parachute. Les doses d’adrénaline de plus en plus puissantes que l’on nous propose souvent avec le terme "Fun" nous évitent de sombrer dans l’ennui car nous n’avons plus d’imagination. [6] Les cinq couleurs aveuglent l’œil. [7] "Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société profondément malade." - Jiddu Krishnamurti.
Source : The game d’Alessandro Baricco.
Les cinq notes assourdissent l’oreille.
Les cinq saveurs gâtent le palais.
Courses et chasses affolent le Cœur.
L’amour des objets rares égare la conduite.
Les sages eux se tournent vers l’interne et rejettent l’extérieur en s’en tenant à soi.
Tao Te King chapitre XII.
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